samedi, octobre 22, 2005

Coach psychologique, liberté individuelle et normalité sociale.

Une émission de télevision est un discours qui aide à l'élaboration de représentations sociales et qui, in fine, contribue à l'élaboration d'un corpus personnel de règles de conduite.

La recrudescence des émissions télévisuelles dite de "coaching psychologique" pose des questions qui vont au dela des simples ressorts narratifs du spectacle de divertissement. Cette intrusion dans la vie privée se fait de façon concrête pour les participants à l'émission, elle se fait de façon symbolique pour les télespectateurs. C'est le cas pour 4,5 millions de télespectateurs réguliers de l'émission "Super Nanny".

Les scénarii proposés présentent un discours prescrivant des comportements domestiques par le biais de diverses formes de langage : ironnie, construction de stéréotypes, métaphore,... L'ensemble de ses modes discursifs prennent un aspect performatif que le réalisme des programmes renforce.

L'émission "Super Nanny" montre une éducatrice qui s'adresse aux parents démunis face à l'éducation de leur enfant plus qu'aux enfants. Les émissions de relooking montre des professionnels du comportements et de l'esthétique qui conseillent des personnes qui connaissent des difficultés relationnelles.

Ces programmes jouent donc sur une double corde : celle du divertissement sociologique et de la distanciation critique pour les personnes qui n'ont pas rencontré ces situations de crise et qui aspirent à un scénario qui promeut un retour à une normalité dénuée de violence, mais aussi celle de l'éducation et de l'apprentissage pour ceux qui sont confrontés à ces difficultés et qui aspirent au règlement de celles-ci.

Dans les deux cas, il existe deux interrogations qui motivent le télespectateur : quelles sont la possibilité et quelles sont les modalités de retrouver une façon de relation sociale appaisée dans un cadre domestique ?

La narration porte donc sur un constat partagé par tous : une situation de crise, un constat de célibat, une perte de l'autorité parentale... Les émissions sont une façon intellectuelle d'y faire face. Il existe donc un parti pris sur ce que doit être une famille apaisée, une relation sociale acceptable et sur comment parvenir à une forme de normalité sociale. Un standard moral ou "utopie sociale et domestique" sont donc proposés. Solutionnant les difficultés des participants de façon quasi-systématique, ces procédés de normalisation sociale semblent efficaces.

Il est d'autant plus efficace que la normalité sociale proposée est imposée et unique. La plupart du temps sous informés sur les questions phsychologiques, éducatives et pédagogiques, le message d'expert précède une construction du discours personnel des participants ou des télespectateurs. Il comble de façon souvent hative un vide de sens ou conforte un préjugé sur une normalité sociale souhaitable et souhaitée. Par exemple, c'est le cas du comportement d'autorité de l'homme dans l'éducation des enfants, de l'injonction à une forme de séduction pour des personnes célibataires, la configuration architecturale d'un appartement... Les participants et les télespectateurs font face à la description d'un modèle de configuration sociale qui, étant unique et couronné de succès, peut s'avérer prescription. Ces émissions nous disent en substance : "La paix des ménages, la rencontre de l'être aimé sont la rançon de votre docilité à la normalité sociale que nous vous présentons". Mais, cette normalité sociale, dans la sphère privée, qui la discute ? Qui la construit ? Varie t-elle suivant les personnes ? Est-elle diverse ? Existe t-elle ? Peut-on inventer une modernité dans ses relations autre que le seul idéal présenté ? N'est ce pas conservateur que de raisonner sur la base d'une configuration sociale unique ?

A ces questions, semblent s'ajouter des questions d'ordre personnel. Celle de savoir quelle est la normalité sociale qui me convient ? Est-ce celle de mon voisin de pallier ? Les émissions montrent à juste titre que ce n'est pas celle que je subis. L'observateur critique et soucieux de sa liberté serait tenté d'ajouter : mais celle que je choisis et que je m'approprie. L'intrusion et le discours d'un expert semble justifié car la compétence pour construire ou pour garder un ensemble de relations sociales qui lui convienne n'est pas innée. Il est louable d'aider à se poser la question, le fait d'y répondre de façon prescriptive n'est pas sans poser de problème. Le classique ne se démode jamais, il s'use...

lundi, octobre 17, 2005

Torture, terrorisme et droit.

La question de la preuve.
"Law lords consider 'torture' appeal" Article de Mark Oliver dans le Gardian de Monday October 17, 2005.
http://politics.guardian.co.uk/terrorism/story/0,15935,1594271,00.html

La solution de la Haute cour israélienne.
Dans un arrêt du 11 janvier 1996, la haute cour constitutionnelle israélienne estime que l'obtention de preuve par des pressions physiques et psychologiques est justifiée juridiquement.

La couleur du saumon.

L'homme veut voir le saumon en rose.
"Le saumon d’élevage représente environ 90 pour cent du saumon vendu dans les supermarchés. La chair du saumon d’élevage est grise. La couleur rose du saumon sauvage vient de son alimentation en petites crevettes et petits poissons qui contiennent un pigment naturel, l’astaxanthine. Des recherches ont démontrées que les consommateurs préfèrent cette couleur rose chez le saumon d’élevage et c’est pourquoi on utilise la canthaxanthine comme additif alimentaire. Dans le cas de la volaille, la canthaxanthine est utilisée pour donner à la peau et aux jaunes d’oeufs, une couleur jaune brillante recherchée par les consommateurs".

"Le risque d’effets nocifs pouvant survenir à la suite de la consommation d’aliments contenant des taux autorisés de canthaxanthine est faible pour les consommateurs en bonne santé. Il y a évidence qu’une ingestion importante de canthaxanthine mène à un dépôt de pigments sur la rétine pouvant causer des
troubles de la vue. Cette situation est réversible en éliminant l’exposition à de hauts taux de canthaxanthine".

vendredi, octobre 14, 2005

Jeune, Intellectuel et extrême.

Certains travaux universitaires de Olivier Cumin, enseignant à l’université Lyon III Jean Moulin, tente de réhabiliter l’œuvre de l’auteur nazi Carl Schmitt. Il expose l’actualité des thèses de Carl Schmitt portant sur les relations internationales. Dans un article publié sur internet, Olivier Cumin tente de montrer la pertinence des thèses allemandes en matière de relations internationales pendant la seconde guerre mondiale.

Un tel travail de réhabilitation de la thèse de Carl Schmitt est une démarche intellectuelle courante dans le champ universitaire qui tend à distinguer l’engagement politique de l’auteur et la pertinence philosophique de sa pensée. En son temps, un même débat a eu lieu autour des travaux du philosophe Martin Heidegger.

Pour ses défenseurs, l’intérêt de la pensée de Carl Schmitt ne s’inscrit pas dans un contexte historique précis mais davantage dans le dialogue philosophique auquel il se fait l’écho. Carl Schmitt propose, en autre, une relecture critique d’auteurs de la philosophie moderne comme Hobbes.

Le travail de David Cumin ne procède pas de la sorte. Les limites chronologiques de l’étude et les références bibliographiques par un jeu de renvoi à des notes de bas de page mentionnant des auteurs de la « nouvelle droite » française permettent d’établir une absence de prise de distance de l’auteur qui semble entériner dans leur ensemble les thèses de relations internationales soutenues par les intellectuels national-socialistes de l’époque mais aussi leur implications pratiques : la non-intervention des alliés et le maintien de la politique du troisième Reich.

L’article d’Olivier Cumin figure sur le site internet du Groupe de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE) en 2001. Le site du GRECE est un site qui avait pour proche collaborateur : Pierre Vial, Jean Garaudy et Jean-Paul Allard. Pierre Vial, enseignant à l’université Lyon III est un proche de Bruno Mégret. Jean Garaudy a été condamné pour des propos antisémites. Jean-Paul Allard a été suspendu par l’université pour des propos négationnistes. Les liens hypertextes qui figurent sur le site sont particulièrement éloquents : ce sont des mouvements de jeunesse d’extrême-droite néo-paiens.

En droit français contrairement à l’Allemagne, la liberté d’expression du corps enseignant des universités ne peut être restreinte que dans la simple limite de l’incitation à la violence et à la haine raciale, de propos négationnistes et de l’apologie de crimes de guerre et de crime contre l’humanité. Les propos tenus par le jeune et inexpérimenté enseignant Olivier Cumin dans son article ne semble pas répondre à ce type de qualifications pénales, ni même impliquer de sanctions disciplinaires au sein de l’université. L’article paru est une simple publicité des convictions politiques d’extrême droite de leur auteur.

Le rapport de Henry Rousso, demandé par le ministère de l’Education nationale et composé de spécialistes reconnus et indépendants en histoire, a été publié en novembre 2004 après plusieurs mois d’enquêtes. Le rapport dresse un historique détaillé des affaires propres à l’extrême droite et au négationnisme qui ont émaillé l’histoire de l’université lyonnaise.

A propos de l’université Lyon III Jean Moulin, le rapport mentionne un seul recrutement récent d’enseignant qui pourrait laisser présumer des convictions d’extrême droite : il s’agit de Isabelle Rozet-Grazioli, maître de conférence en allemand recruté en mutation le 18 mai 2000 qui a publié un article dans la revue du GRECE et dont le mari, un proche de Jean-Paul Allard, a tenu une librairie d’extrême droite à Nancy. Le nom de Olivier Cumin n’est jamais cité dans le rapport. Le rapport conclue « le problème relève aujourd’hui plus d’une interprétation du passé que d’une urgence du présent ».

Communication et politique.

La vision internationale du président des Etats-Unis.
Cf. Intervention de Georgiton Bush. (Texte et contexte : utilisation des mythes de l'Amérique: le shériff, la rédition japonaise, la notion de monde civilisé, la lutte pour la paix ; mise en scène : le double prompteur, l'utilisation des applaudissements, le style martial...)
http://www.whitehouse.gov/news/releases/2003/05/20030501-15.v.html

mercredi, octobre 12, 2005

Etrange Monsieur Lugan.

Les discours de président de République qui prennent la peine dans une allocution à un sommet international organisé par les nations unies de dénoncer les écrits d’un historien sont rares pour être soulignés. Les historiens qui prennent le temps de se déplacer en temps que témoin pour défendre un génocidaire devant un tribunal pénal international sont peu nombreux pour être soulignés.

Une éloquence et un franc parler qui tranchent avec les universitaires habituels font de lui un enseignant apprécié par ses étudiants d’histoire de l’Université Jean Moulin Lyon III. Editorialiste radio, il commente l’actualité africaine sur Radio Courtoisie et est plébiscité par ses auditeurs. Lors du repas des auditeurs du dimanche 7 novembre 2004 à la Mutualité dans le 5ème arrondissement de Paris, les dirigeants de la radio reputée pour sa ligne d’extrême droite ont salué la popularité de Bernard Lugan comme éditorialiste sur les questions africaines.

Devant ses étudiants d’université de deuxième et troisième année et lors de ses interventions en conférence, Bernard Lugan ne rechigne pas à utiliser des expressions et attitudes imagées. Maniant la métaphore, il qualifie les fondements du génocide rwandais comme « une opposition de la houe et de la vache » se contentant de la thèse du face à face « éthnico-racial ». Parlant du génocide du peuple héréro perpétré par les Allemands en Namibie en 1904, il présente les assasinats perpétrés par des colons allemands pour faire face à la « sauvagerie » des milliers de victimes. En 1991, le jour du mardi gras, il s’habille en habit colonial et fait étudié des chants militaires coloniaux. Se délectant de ses propos, il aime à répéter à son auditoire que « l’Asie est une fourmilière en action, alors que l’Afrique est une fourmilière au repos ».

Sa carrière universitaire est jalonnée par la publication de nombreux ouvrages et articles. Il publie beaucoup sur l’histoire de différentes régions de l’Afrique : Afrique du Sud, Maroc, Egypte, Rwanda... Chacun de ses ouvrages présente un arsenal de cartes documentées et a vocation à traiter l’ensemble de l’histoire d’un pays. Les sujets et les périodes historiques qu’ils abordent sont éclectiques. Il traite des huguenots français leur attribuant la fondation de l’Afrique du Sud mais aussi des causes du génocide rwandais. Ces écrits sont critiques sur la gestion de l’Afrique du fait du primat de l’idée démocratique et du fait des politiques humanitaires occidentales. Son ouvrage récent sur le génocide rwandais dénonce les excès de l’Eglise rwandaise et des institutions démocratiques en place dans la région des grands lacs. Il est en revanche peu critique sur les excès de la colonisation et relit la période coloniale sous un jour favorable. Citant la thèse du célèbre historien de l’économie Jacques Marseille, professeur à la Sorbonne, il estime que la colonisation n’a pas de fondement économique et mais un but politique.

Avec une grande constance, les écrits de Bernard Lugan font état d’une lecture de l’histoire et de la géopolitique de l’Afrique qui surestime le fait ethnique. « En Afrique, les problèmes sont en effet d’abord ethniques, culturels, politiques, etc. Nous sommes face à des sociétés communautaires ignorant la notion d’individu » affirme t-il à un média africain à propos de la crise en Côte d’Ivoire. Ses analyses écrites ou radiophoniques sont centrées sur cette réalité ethnique. En février 2005 sur Radio Courtoisie, il atteste que la crise politique au Togo a une origine essentiellement ethnique en reléguant le fait politique au rang des arguments accessoires.

Ces conceptions sont diffusées dans l’université lyonnaise dans laquelle il enseigne l’histoire de l’Afrique, mais aussi dans la presse et par le biais de conférences. Les cercles d’universitaires africanistes lui sont ouvertement hostiles. En témoigne une pétition condamnant et critiquant ses travaux, signée par tout ce que le monde universitaire français compte de spécialistes de l’Afrique. A leur tête, Jean-Pierre Chrétien, directeur de recherches au C.N.R.S. et membre du Centre de recherches africaines de l'université Paris I, spécialiste de l’histoire du Burundi et du Rwanda, a rédigé plusieurs articles montrant que les thèses soutenues sont empruntes de négationisme. Ses collègues africanistes, Bernard Lugan ne les porte pas dans son cœur estimant qu’« en France, la compétence n'est pas reconnue, il faut être pédé, franc-maçon ou syndicaliste de gauche pour progresser » (Le Monde, 8 octobre 2001). L’africaniste Jean-Pierre Chrétien s’est vu décerné par le Club de l’horloge, cercle d’intellectuels proche de l’extrême-droite, le prix Lissenko du nom d’un scientifique fantoche à la solde de l’Etat soviétique. Le discours de remise du prix a été rédigé par un de ses membres : Bernard Lugan en personne. Dans le monde universitaire, seul l’historien Emmanuel Leroy-Ladurie de l’académie des sciences morales et politiques lui consacre une note de lecture favorable dans le Figaro Littéraire pour son ouvrage sur l’histoire du Maroc en juin 2000.

Sa relative marginalité dans le monde universitaire n’empêche pas ses travaux d’être mentionné dans les médias. Longtemps présent dans les seuls articles de journaux d’extrême droite Minute et Présent et dans des articles du Figaro et du Figaro Magazine, la majorité des bibliographies sur l’Afrique mentionne désormais ses ouvrages sans en préciser la teneur. Bernard Lugan est ainsi sollicité pour des conférences. Par exemple, il donne des conférences à l’institut des hautes études de la défense nationale en octobre 2002 et en mars 2003 sur le NEPAD et sur l’Afrique Subsaharienne. Le 3 mai 2004, il est invité à New York par l’Institut de renom « Council on Foreign Relations » pour une table ronde sur la résolution du conflit du Sahara Occidental avec des experts des universités américaines et une représentante du secrétariat des nations unies. Le 12 octobre 2004 devant l’association Association Réalités et Relations Internationales, association qui est parrainé par la Caisse des dépôts et consignation et EDF, il expose l’histoire du génocide rwandais.

L’auteur est aussi présent dans les milieux catholiques intégristes. Il donne des conférences devant les cercles de catholiques traditionalistes proche de l’évêque excommunié Monseigneur Marcel Lefebvre et fréquente l’église de Saint Nicolas du Chardonnay à Paris. En juillet 2004, il publie dans le numéro relatif à l’Islam de la revue de l’association catholique traditionaliste « Renaissance Catholique » qui « lutte contre l’avortement et défend les valeurs chrétiennes ».

Proche du Front National, il est membre du conseil scientifique du parti en 1993. Son engagement militant a commencé à Nanterre où, étudiant en histoire, il participe à Nanterre à la fédération nationale des étudiants de France au début des années soixante-dix, syndicat étudiant dans lequel se sont activés Bruno Gollnisch, l’actuel numéro deux du front national, et Patrick Buisson, directeur du service politique du journal Le figaro en 1999.

Dans la continuité de ses études sur l’Afrique, il intègre en 1972 l’université de Butare au Rwanda en tant que coopérant enseignant d’histoire et géographie. De 1972 à 1982, il a le temps de soutenir une thèse de troisième cycle d’économie rwandaise au XIXème siècle en 1976 à l’université de Provence et de mener diverses recherches. En juin 1982, le Ministère de la Coopération suggère alors aux universités françaises de le recruter. Il quitte le Rwanda pour intégrer l’université Lyon III ou il est titularisé. Son départ du Rwanda s’est fait dans des conditions assez obscures. Ce départ a fait l’objet d’une décision de justice du Tribunal administratif de Lyon le 19 janvier 1984. Le ministère des relations extérieures estime que le rapatriement de Monsieur Lugan est justifié par une demande du gouvernement rwandais de l’époque. Le gouvernement rwandais, bien que le ministère français n’en apporte pas la preuve suffisante devant le juge, aurait estimé que le comportement de l’intéressé est incompatible avec ses fonctions de coopérant et de nature à nuire aux relations de la France et du Rwanda. En absence de preuve, Bernard Lugan gagne son procès devant le tribunal administratif. Entre-temps, en 1983, il soutient une thèse de lettres intitulée « entre les servitudes de la houe et les sortilèges de la vache. Le monde rural dans l’ancien Rwanda » à l’université d’Aix en Provence.

Quelles sont les mystérieuses raisons invoquées par le ministère des relations extérieures mais qui ne sont pas apportées au juge ? Quel type de comportement a eu Bernard Lugan à l’université nationale du Rwanda de Butare dans le Sud du Pays qui aurait pu inciter le gouvernement rwandais de l’époque à l’éloigner ? Aucun document ne semble de nature à apporter des informations.

Bernard Lugan a eu pour collègue à l’université national du Rwanda de Butare le professeur Vincent Ntezimana qui a été condamné à douze ans de réclusion en Belgique pour avoir dénoncé et fait exécuter des collègues et certains employés tutsis de l’université de Butare en fournissant les listes et en supervisant des assassinat sous le chef d’accusation de crime de guerre pendant le génocide en 1994. Ce dernier a passé six années à l'Université Catholique de Louvain en Belgique ou il a passé un troisième cycle puis un doctorat. Il aurait été un des auteurs du manifeste bahutu : le fameux texte qui détermine en dix point le programme politique des hutus et qui est le fondement intellectuel du génocide. Le professeur d’histoire Ferdinand Nahimana travaille aussi à l’université à la même période. Idéologue en vue parmi l'élite qui entourait le président rwandais Habyarimana, Ferdinand Nahimana est cofondateur de la Coalition pour la défense de la République (CDR), parti hutu ouvertement génocidaire. Il était également membre du groupe connu sous le nom de «Hutu Power». Entre 1979 et 1994, Nahimana a écrit et publié des articles qui montaient la population contre les Tutsis et les Hutus modérés et qui prônaient la supériorité des Hutus originaires du nord. Licencié de la radio nationale rwandaise avant le génocide pour cause de diatribe haineuse, en 1993, il a participé en tant que membre du «comité d’initiative» à la création de la Radio Télévision Libre des Mille collines (RTLM), dont il est devenu le directeur de fait. Il sera reconnu coupable et condamné à l’emprisonnement à vie par le tribunal pénal international du Rwanda pour le crimes d’entente en vue de commettre un génocide, le crime de génocide, le crime d’incitation directe et publique a commettre un génocide et le crime contre l’humanité en tant que persécution et extermination. Bernard Lugan l’a-t-il rencontré lors des dix ans passés à l’université de Butare ? L’enseignant français travaille à la même époque sur la même question : l’église catholique au Rwanda au cours du XXème. En mars 1978, il publie dans le même numéro spécial « Eléments d’histoire du Rwanda » de la revue Etudes rwandaises sur le même thème : « L'église catholique au Rwanda 1900-1976 » alors que Ferdinand Nahimana publie un article intitulé « Les missions catholiques et l'enseignement au Rwanda de 1917 à 1931 ». Ces coïncidences n’attestent rien…

En novembre 2003, Bernard Lugan fait une intervention devant le Tribunal Pénal international pour le Rwanda (TPIR) en tant que témoin cité par la défense. Il se déplace pour défendre le ministre des finances au sein du gouvernement intérimaire du Rwanda entré en fonction le 8 avril 1994 le surlendemain du déclenchement du génocide, Emmanuel Ndindabahizi. Ce dernier répond alors devant le Tribunal pénal international de trois chefs d'accusation pour génocide et crimes contre l'humanité, après des massacres de Tutsis dans sa province natale de Kibuye (ouest du Rwanda). Le 20ème accusé du tribunal international d’Arusha a perpétré des exécutions dans son village natal, offert de l’argent et distribuer des machettes aux assaillants. Il est intervenu pour inciter les maris hutus à tuer leurs femmes tustis pour éviter qu’elles les empoisonnent. Au cours de son intervention devant la chambre, Bernard Lugan tente de disculper l’ex-ministre en déclarant que "Ndindabahizi a accepté ce portefeuille pour sauver sa peau". L’ex-ministre né en 1950 a obtenu un bachelor d’économie et de sciences sociales en 1974 à l’université de Butare. L’université même ou Bernard Lugan a enseigné de 1972 à 1982. A-t-il été un élève âgé presque du même age de son enseignant à l’Université de Butare ? Emmanuel Ndindabahizi, ancien ministre des finances a été reconnu coupable des faits reprochés et est condamné pour assassinat, génocide, et extermination en tant que crime contre l’humanité et condamné à l’emprisonnement à vie par le tribunal pénal international le 15 juillet 2004.

Bernard Lugan a côtoyé l’élite du « hutu power ». Quelle relation a-t-il entretenue avec les futurs cadres du génocide au sein ou par le biais de l’Université ? Les témoins tutsis présents à l’époque, enseignants et personnels administratifs ne peuvent pas répondre. La majorité d’entre eux sont morts. Des tutsis sont bien revenus enseigner à l’Université nationale du Rwanda de Butare. Ils ont remplacé les postes vacants d’enseignants de l’Université. Issus de la diaspora et venant principalement de l’Ouganda, ils ne peuvent apporter aucun renseignement.

Lors du sommet des Nations Unies contre le racisme à Durban en 2001, le Président du Sénégal Abdoulaye Wade a dénoncé le racisme intellectuel qui est le fait de certains historiens qui donnent une fausse interprétation de l'histoire en affirmant que toutes les thèses soutenues par des écrivains africains ne sont pas fondées et que la contribution des Noirs à l'histoire de l'Afrique est dérisoire. Le président sénégalais n’a pris la peine de citer qu’un nom : celui de l’étrange Monsieur Lugan.